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Narcoculture-France

Blog relatif aux événements et informations de la narcoculture, relatés en français

TEASER - Critique Narcos : Mexico (trafiquants free-lance)

Cette page, qui est une critique des personnages de la série Narcos : Mexico, est un extrait de notre article complet sur la série, que vous pouvez dorénavant retrouver ici : Critique Narcos : Mexico (article complet)  Dans cet autre article, vous trouverez un résumé complet de TOUS les personnages ainsi qu'une critique de la série saison par saison. Il ne s'agit ici que d'un extrait, centré sur les personnages qui sont dépeints dans la série de Netflix comme des "trafiquants free-lance", des individus évoluant plus ou moins en marge du crime organisé. Bien sûr, comme toujours sur ce site, cette "critique" est axée sur les différences qui opposent les évènements dépeints dans l'œuvre et ceux s'étant déroulés au Mexique dans la réalité, afin que vous puissiez savoir ce qui a été modifié et ce qui a été respecté dans la série. Cet extrait, publié le 4 février 2024, est l'ultime teaser avant notre critique complète de la série.

 

 

Se référant à des évènements réels, cet article contient aussi du spoil sur la série Narcos : Mexico.

Isabella Bautista (Actrice : Teresa Ruiz)

 

Teresa Ruiz Narcos : Mexico Isabella

 

Baronne de la drogue Sandra Avila Beltran

 

 

Interprétée par l'actrice à forte poitrine mais non moins talentueuse Teresa Ruiz (en tout cas, elle s'en sort honorablement dans le rôle, disons), le personnage d'Isabella Bautista n'a dans la réalité... jamais existé ! Ou, pour nuancer, "Isabella Bautista" n'a jamais existée. Car le personnage s'inspire bien évidemment de celle que l'on surnomme "La Reina del Pacifico" dans la réalité, et de laquelle s'inspire toutes les narcotrafiquantes de fiction aux allures de top model qui ont fleuri ces dernières années, comme les multiples moutures de "La Reine du Sud" par exemple ("La Reine du Sud" c'est trois télénovelas distinctes et un roman du célèbre écrivain espagnol Arturo Perez Reverte), j'ai nommé Sandra Avila Beltran. Et là, j'ai pas compris. Enfin, dès les premières apparitions du personnage dans Narcos : Mexico, j'ai compris qu'on avait affaire à une adaptation de la trafiquante Sandra Avila, mais ce que je n'ai pas compris, c'est : pourquoi ils ont changé son blase, bordel de merde ?! Il s'agit du seul personnage du crime organisé de la série qui n'ait pas droit à son véritable patronyme, alors que dans la réalité Sandra Avila n'est ni décédée, ni en activité : elle a définitivement raccroché son costume de trafiquante après 7 ans de prison, entre 2008 et 2015. Et c'est bien à cause de cela que les créateurs de la série craignent de sa part un procès. Libre comme l'air et bien portante, puisqu'elle, ou plus sûrement son community manager, lui arrive de me répondre sur les réseaux sociaux, Sandra Avila a d'ailleurs déjà gagné un procès contre la chaîne de télévision qui produit "La Reine du Sud" pour l'utilisation frauduleuse de son image... Les personnages dépeints dans la série qui demeurent eux encore en activité (ils ne sont pas nombreux), ne risquent pas de poser autant de problèmes au service juridique de Netflix ; à l'instar d'Ismael "El Mayo" Zambada, qui, étant le baron de la drogue le plus recherché de la planète (dont la tête est mise à prix 15 millions de dollars par les américains), n'a, vous vous doutez bien, pas vraiment le temps de poursuivre Netflix en justice ! Voilà, le mystère est levé : les créateurs de Narcos : Mexico flippent leur race que Sandra Avila les poursuive en justice et ont préféré changer le nom de son personnage à l'écran. Si ce procédé n'a rien d'extraordinaire en soi et arrive même fréquemment dans les fictions, le fait que seul ce personnage ait été rebaptisé nuit toutefois à sa "crédibilité". De plus, les scénaristes de la série se sont assez éloignés de la vie de Sandra en ce qui concerne cette "Isabella Bautista", mise en scène dans la première et seconde saison. Et ce, bien évidemment, parce qu'il s'agit d'une femme et qu'il est selon eux impératif de romancer son existence afin de lui accorder un maximum d'importance ! Ben tiens... Ce qui est bien illustré en revanche (voire très bien même) c'est la relation entre Felix Gallardo et Isabella Bautista/Sandra Beltran à l'écran. Là-dessus, rien à dire, chapeau ! La trafiquante voit effectivement dans la série le chef du cartel de Guadalajara comme son mentor, son "parrain" même, bien que leur relation a ceci d'ambigüe qu'on se demande à chaque fois si leur réunion de travail ne va pas se finir au plumard... C'est peu ou prou la véritable relation qui devait unir ces deux trafiquants dans la réalité, même s'il a aussi été dit que Felix Gallardo était en fait l'oncle de Sandra Avila (elle le dément fermement). D'ailleurs, Felix Gallardo était aussi supposé être un oncle des frères Arellano Felix, mais là aussi ça a été démenti... En ce qui concerne les relations d'Isabella Bautista avec les autres narcos, là, par contre, on touche le néant absolu. En effet, Sandra Avila est également une possible parente de Rafael Caro Quintero et des frères Beltran Leyva. Rien de tout cela n'est toutefois illustré dans la série ; pas plus que l'enfance dorée de Sandra Avila, ses relations amicales avec tous les barons de la drogue de l'époque ou presque qu'elle côtoyait depuis toute gamine, ses deux mariages avec deux Commandants de police qui se changeront eux-mêmes en narcotrafiquants, puis les meurtres des deux maris susmentionnés ; non, chers amis, rien de tout cela n'apparaît dans la série. Tout comme les nombreuses liaisons que l'on prête à Sandra Avila avec d'autres narcos (une femme qui use de son corps pour parvenir à ses fins, ça ferait mauvais genre auprès des féministes décérébrées dans notre époque aseptisée des années 2020, vous comprenez... Non, il vaut simplement mieux la dépeindre comme une nana badass, et tant pis si le personnage en devient moins intéressant...). Si le personnage d'Isabella Bautista noue effectivement une relation d'affaires avec Henao Montoya du Cartel colombien de Norte del Valle, comme Sandra dans la réalité, dans la fiction elle doit constamment faire face au machisme de celui-ci, au lieu d'avoir une liaison avec le numéro 2 du cartel, Juan Diego Espinosa "El Tigre", comme dans la réalité. Su-per (oui, c'est sarcastique). Mais le pire intervient à la fin de la saison 2, où Isabella Bautista s'allie avec l'unique autre personnage féminin de la série, Enedina Arellano, en mode "revanche des femmes bafouées", après que les deux aient été flouées par leurs collègues masculins. On se croirait un peu dans certains épisodes de Peaky Blinders, vous savez, où les femmes de la famille se rebellent pour tenir les premiers rôles et engueuler Tommy and Co. Si ça marche bien dans la série britannique, totalement fictive, dans Narcos : Mexico, c'est absolument dissonant avec l'exercice du biopic auquel la série semble vouloir se prêter. Sandra Avila le dit elle-même : si elle avoue avoir été une amie intime de Felix Gallardo, de Rafa Caro et d'Amado Carrillo, elle affirme en revanche n'avoir jamais rencontré Enedina Arellano et pense même que celle-ci n'a jamais été une trafiquante de drogue. Selon elle, c'est une pure affabulation à cause de la réputation de ses frères. Voilà, c'est dit. De toute façon, on en bouffe dans toutes les séries, le coup des femmes qui se rebellent : de Walking Dead, où un épisode met exclusivement en scène des personnages féminins, en passant par cette bouse de série Vikings, ou encore Peaky Blinders, on l'a dit... Il faut croire que toutes ces séries se sentent obligées de mettre à l'honneur les femmes, du moins le temps d'un épisode dédié (excusez-moi moi, mais c'est profondément débile). Et Narcos : Mexico n'échappe pas non plus à la règle, en mettant en scène cette alliance improbable entre Isabella Bautista et Enedina Arellano, là encore le temps d'un épisode, guère plus. Bref, Enedina trahit ensuite Isabella Bautista et c'est à cause d'elle que celle-ci se fait arrêter... au début des années 90... Un tissu de conneries. Dans la réalité, Sandra Beltran a été dénoncée par un de ses associés avec lequel elle venait de se brouiller et arrêtée... en 2008 ! S'il s'éloigne souvent beaucoup (trop) de sa muse, le personnage d'Isabella dépeint toutefois certains aspects importants de la vie de Sandra Avila Beltran (et puis c'est toujours mieux que "La Reine du Sud"), en plus d'être suffisamment charismatique et bien interprété.

 

3⭐Bon mais...

Ismael "El Mayo" Zambada (Acteur : Alberto Guerra)

 

Alberto Guerra Narcos : Mexico El Mayo Zambada

 

 

Chef du Cartel de Sinaloa El Mayo Zambada

 

Bon, Ismael "El Mayo" Zambada, c'est le capo des capos mexicains. Il capo di tutti capi. Jamais tué, jamais capturé, en 50 ans de métier. Ca, on peut dire qu'il aura nargué les autorités ! A tel point que les principaux analystes du crime organisé au Mexique, dont Anabel Hernandez et l'ancien patron de la DEA Mike Virgil (même s'il leur arrive à tous les deux de dire des conneries) prédisent que Zambada mourra très probablement en liberté, sans jamais avoir vu l'intérieur d'une cellule (il a 75 ans et souffre de diabète). Il est aujourd'hui le chef d'une des trois factions du Cartel de Sinaloa et le plus emblématique narco mexicain. Autant dire que j'attendais son personnage de pied ferme dans la série Narcos : Mexico ! Enfin, je ne l'attendais plus, devrais-je dire... Après avoir constaté l'absence du parrain Zambada lors des deux premières saisons... Et ce, bien que celui-ci ait commencé sa carrière criminelle dès les années 70 avant d'intégrer le Cartel de Guadalajara dans les années 80, justement au centre des deux premières saisons de la série... Pourtant, le capo Ismael Zambada n'apparaîtra que bien plus tard dans la fiction, alors que nous nous trouvons déjà au début des années 90. Il faut dire qu'avec Rafael Caro Quintero, El Mayo Zambada est le seul capo représenté dans la série encore en activité (mais la différence c'est qu'il était presque impossible de faire une œuvre sur le Cartel de Guadalajara sans faire apparaître Rafa Caro ; celui-ci se fera finalement capturer au terme de la série, en 2022). Représenter El Mayo dans Narcos, donc, c'était traiter de l'actualité des cartels au Mexique, chose que la série se refusera obstinément à faire en fuyant le 21ème siècle (la mort de Ramon Arellano est avancée à 1997 dans l'œuvre de Netflix, alors qu'elle est survenue en 2002 pour de vrai). Finalement, les scénaristes de la série finissent par trouver leurs boules dans leur fut' et El Mayo Zambada est intronisé en grande pompe lors de la saison 3. Outre le fait que ce personnage évoque des malheurs qui ont cours actuellement dans la patrie aztèque, puisqu'il est le chef d'une des factions du Cartel de Sinaloa, la présence d'El Mayo pose un autre problème : le capo, particulièrement discret, voue un culte au secret. La seule fois où il s'est fait remarquer, c'est en accordant une interview au journaliste fondateur du journal Proceso Julio Scharer (une référence du journalisme au Mexique), et c'était en 2010. Depuis, le parrain Zambada se cache dans la Sierra du Sinaloa, ou du Triangle d'Or plus globalement (on dit qu'il ne dort jamais deux fois au même endroit). Du coup, vous l'imaginez, en étant fugitif depuis près d'un demi-siècle, il existe assez peu de biographies sur le narco. Sa vie est en grande partie un mystère. Tout le monde se demandait dans ce cas comment allait le représenter les scribouillards américains qui s'attèlent au scénario de la fiction de Netflix. Un mystère, El Mayo ? Oui, mais non, car l'individu a tant imprégné l'imaginaire des mexicains au cours des 5 dernières décennies que nous disposons tout de même de quelques éléments le concernant ; aussi je peux vous dire que j'attendais Narcos au tournant... Et le plus étonnant, vous savez ce que c'est ? La série est parvenue à respecter certains des éléments propres à Zambada, oui, oui ! Bravo à elle. Malheureusement, tout n'est pas juste ou correct dans la représentation du capo dans la série (on s'y attendait), mais je m'en vais vous le détailler plus bas. Déjà, pour incarner le chef du Cartel de Sinaloa et fidèle associé d'El Chapo Guzman, Netflix a opté pour l'acteur Alberto Guerra... un acteur cubain et non mexicain, ceci expliquant aussi le teint particulièrement clair du personnage dans Narcos : Mexico. C'est sûr que si vous avez regardé la série El Chapo avant ça, où le personnage d'El Mayo Zambada est bien bre-som comme il faut, vous avez dû vous demander s'il s'agissait de la même personne ou si vous aviez juste besoin de régler votre téléviseur... Bon, le choix d'un acteur non-mexicain (presque même pas latino en fait, parce que c'est un cubain !) pour incarner le narcotrafiquant le plus emblématique du Mexique a certes de quoi surprendre, à première vue, mais on a l'habitude avec Narcos et son casting très internationalisé (Pablo Escobar joué par un acteur brésilien, je sais que ça a eu du mal à passer en Colombie...) Et puis, l'un des premiers associés du véritable trafiquant Ismael Zambada n'était autre que son beau-frère Antonio Cruz Vazquez (alias "El Niko"), un cubain, ancien flic sous le régime de Castro qui a émigré à Miami puis au Mexique. On peut presque dire que ça fait la réf', en poussant un peu... Mais ce qui fait que l'on pardonne vite à Alberto Guerra de ne pas être mexicain, c'est bien le fait que l'acteur soit vraiment très charismatique à l'écran. Là-dessus, rien à dire, le Mayo Zambada version Alberto Guerra fait quand même vraiment très classe, on ne va pas se mentir... De plus, le signe distinctif du véritable Mayo Zambada a été représenté dans la série : je veux bien sûr parler de son célèbre chapeau, que le patriarche du Cartel de Sinaloa aime semble-t-il porter de travers dans la réalité. Ce simple détail est en fait très représentatif du capo. A tel point qu'au Mexique, pour évoquer El Mayo Zambada, on parle de "l'homme au chapeau", de "l'homme au chapeau de travers", ou même parfois simplement du "chapeau" ('El Sombrero"). Comme le chante le groupe Enigma Norteño et toute la clique de chanteurs de corridos : "ne pensez pas que parce que le chapeau est de travers il est près de tomber !" Une réplique culte reprise depuis dans de nombreux corridos en l'honneur d'El Mayo et que je dois entendre à peu près dix fois par jour depuis 10 ans... Mais il ne s'agit pas que d'un détail de son accoutrement : ce chapeau est également chargé de symbolique. Au Mexique, ou plus exactement dans les régions norteñas au Nord du pays, pour être un homme, un vrai, il faut porter son chapeau. Et Ismael Zambada, tout-puissant baron du Cartel de Sinaloa polygame, marié à 6 femmes et père d'une dizaine d'enfants, est un peu l'incarnation de ce patriarcat mexicain ; il se doit donc lui aussi de porter son chapeau/sombrero. De plus, chez les vaqueros mexicains comme chez leurs homologues cow-boys américains, le fait de porter un chapeau blanc est en général réservé aux aînés, ou alors pour témoigner que l'on est quelqu'un de bon et digne de confiance (donc si vous croisez un gars avec un chapeau noir, déjà il doit être très con parce qu'il doit crever de chaud, mais surtout fuyez !). Des traits de caractère qui collent à merveille à Ismael Zambada, qui est généralement dépeint comme le moins "pire" (entendez par là le moins "sanguinaire") des narcos mexicains. Un moindre mal, en somme. "Quitte à ce qu'il y ait un chef de cartel, autant que ce soit lui"... A tel point que les principaux analystes du crime organisé au Mexique annoncent régulièrement redouter le jour au Zambada sera obligé de passer la main ; non pas parce qu'il s'agit de quelqu'un de profondément bon, mais parce que les autres trafiquants sont encore pires que lui. Le fait est qu'El Mayo Zambada a toujours essayé de préserver la paix, entre narcos et avec le gouvernement, durant ses 40 années de règne. Plusieurs réunions de paix entre trafiquants ont été organisées par El Mayo, et dans ses propriétés, comme celle entre les Arellano Felix et El Chapo en 1991 ou encore celle entre Damaso Lopez "El Licenciado" et les fils d'El Chapo, en 2017. El Mayo, le médiateur... Attention, je ne dis pas qu'il mériterait le Prix Nobel de la Paix, loin de là, même : l'homme est responsable de centaines/milliers de meurtres chaque année. Mais le fait est que Zambada a davantage tendance à finir les guerres qu'à les commencer : dans la plupart des conflits qui l'ont impliqué, il n'a jamais été le premier à attaquer et a souvent dû répondre aux agressions de ses ennemis (la guerre contre les Arellano Felix dans les années 90, celle contre le Cartel Beltran Leyva en 2008, le conflit au Zacatecas contre le CJNG à l'heure actuelle ou encore son récent conflit l'opposant aux fils d'El Chapo)... En somme, si on dépeint El Mayo Zambada comme un boucher très méchant et assoiffé de sang dans une œuvre quelconque, il y a fort à parier qu'il s'agisse d'une œuvre assez manichéenne sans trop de nuances (en tout cas, je n'aimerais pas voir dans ce cas comment sont dépeints les autres narcos ; comme des vampires ?!). Donc, Ismael "El Mayo" Zambada étant toujours représenté avec ce chapeau blanc, il est bien normal qu'il en soit de même dans Narcos : Mexico. Mais qu'en est-il de sa personnalité, justement, dans la série ? Ressent-on qu'il s'agit d'un personnage complexe, porteur de certaines valeurs, et moins enclin à la violence que ses homologues (il est du moins perçu comme tel au Mexique, il faut bien que l'imaginaire collectif des norteños et des sinaloans en particulier s'invente un mafieux dont ils puissent être fiers...) ? Eh bien, je dirai que oui, malgré tout... Et c'est en soi un exploit, d'illustrer qu'Ismael Zambada est sans doute le moins pire des narcos mexicains, alors que la série choisit de ne le faire apparaître que durant sa dernière saison, où le capo est justement censé mener une terrible guerre contre ses ennemis du Cartel Arellano Felix, de Tijuana. Pas facile de montrer qu'El Mayo Zambada est un homme raisonnable (ou du moins, s'il existe un narco raisonnable, que ce soit lui), au plus fort de la guerre entre tous ces narcos ! La série y parvient néanmoins ; d'une part parce que la guerre entre Zambada et les Arellano est très édulcorée dans Narcos : Mexico (j'y reviendrai plus tard), voire carrément passée sous silence, mais aussi parce que l'on voit que ce sont les Arellano qui portent le premier coup et non Zambada, comme dans la réalité. Un bon point pour le personnage de Zambada dans la série, deux avec le chapeau, si vous voulez... Et c'est à peu près tout. Ah si, dans la série, on voit effectivement El Mayo tisser des liens avec ceux qui étaient ses deux principaux acolytes et amis dans la réalité : Amado Carrillo "El Señor de los Cielos" et El Chapo Guzman. Vis-à-vis de ce dernier, El Mayo sera même représenté, non seulement comme son égal, mais bien comme une sorte de mentor dont El Chapo s'évertuera à gagner les faveurs pour le convaincre de diriger avec lui le Cartel de Sinaloa. Très bon point pour Narcos : Mexico, contrairement à la série El Chapo de 2017 qui dépeignait El Chapo Guzman comme l'unique chef du Cartel de Sinaloa auquel devait obéir El Mayo Zambada. En réalité, les deux étaient aussi puissants et influents l'un que l'autre au sein de l'organisation. Depuis quelques années, on en vient même à se demander au Mexique si ce n'était pas El Mayo qui donnait des ordres à El Chapo, à vrai dire (El Mayo est réputé être plus intelligent et prudent que ce dernier). D'ailleurs, lors de son procès, El Chapo niera avoir dirigé le Cartel de Sinaloa, rejetant la faute sur El Mayo. Mais les principaux témoins à charge contre lui qui étaient, je vous le donne en mille, le frère et le fils aîné d'El Mayo, le contrediront à la barre en soutenant qu'El Mayo et El Chapo dirigeaient bien ensemble le cartel. Troisième bon point pour la série, on peut dire que le principal concernant El Mayo a bien été respecté. Le principal ? Pas si sûr : car si la fiction a réussi à dépeindre le baron de la drogue comme "un type somme toute raisonnable", malgré le fait qu'il soit embringué dans une guerre meurtrière, elle l'a fait en le dépeignant avant tout comme un loup solitaire qui cherche à faire ses affaires dans son coin sans rien devoir à personne. Une sorte de "narco free-lance", en gros (c'est d'ailleurs le fait qu'il refuse d'intégrer le Cartel des Arellano Felix qui poussera ces derniers à lui déclarer la guerre dans la série)... Bon, cette représentation d'El Mayo en tant que "loup solitaire" n'est peut-être pas fausse en soi, mais de manière générale, dans les fictions sur les mafieux/gangsters, ça m'énerve un peu de voir des gars qui cherchent à rester dans leur coin, sans jamais prendre parti. Ce milieu là est une question de relations, un point c'est tout. On ne peut pas, comme El Mayo dans la série, ne rien devoir à personne. Choisis ton camp, merde ! De plus, si El Mayo apparaît de nulle part dans la troisième saison de la série, se déroulant au début des années 90, le véritable trafiquant est en fait déjà lié de longue date avec les principaux protagonistes à cette époque, puisqu'il a évolué avec eux au sein du cartel de Guadalajara. Sans compter que tous ces barons sont originaires du même coin, il ne faut pas l'oublier, ça (Badiraguato, Culiacan...). Mais ce qui m'aura le plus étonné, c'est que Narcos : Mexico ait choisi de représenter le parrain Zambada comme "le roi de la pêche à la crevette". Attendez, quoi ?! Eh oui, dans l'œuvre de Netflix, El Mayo passe les trois quart du temps sur son foutu rafiot, qui finit d'ailleurs (spoil) par cramer. C'est quand même surprenant, puisque nulle part dans les biographies du capo il est fait mention qu'il ait jamais été propriétaire d'un bateau ou même mêlé de près ou de loin au secteur de la pêche. Pourtant, dans la série, Zambada déblatère des conneries comme quoi il "se sent proche de la mer", bla bla, comme il "se sent mieux au large", bla bla bla... La série lui invente même une biographie : après avoir commencé comme simple pêcheur, ses bateaux seraient devenus un élément important de son empire de contrebande. Un moussaillon, le Zambada ? Dans la réalité, pas vraiment... Pour moi, Zambada, c'est au contraire "L'homme de la montagne". Il y est né, dans cette foutue Sierra du Sinaloa, et bon sang de bois, on n'est pas prêt de l'en déloger ! En fait, El Mayo a plus ou moins toujours trempé dans l'agriculture, même s'il a commencé en tant que simple laveur de voitures. Zambada, c'est l'homme de la terre, à la fois proche des paysans et connaissant les montagnes du Sinaloa comme sa poche pour pouvoir s'y cacher à loisir. Il aime les chevaux et les combats de coqs, comme tout sinaloan qui se respecte. Bref, personnellement, je ne l'imagine pas trop seul sur son rafiot, prêt à se faire cueillir comme une fleur par les garde-côtes, m'enfin bon... En fait, les créateurs de la série ont vu (du moins c'est mon  hypothèse) qu'El Mayo venait d'un hameau traversé par la Route 15, cette autoroute gratuite qui mène de Culiacan à Mazatlan. Culiacan, c'est la capitale du Sinaloa. Et Mazatlan, c'est la station balnéaire (à la mode dans les années 80, boudée depuis par les touristes étrangers au profit de Los Cabos) 200 kilomètres plus au Sud, où les habitants de Culiacan viennent profiter de la mer. Mazatlan, c'est un peu comme Ostie pour les Romains ou le Bois-de-Boulogne pour les Parisiens (tentative de vanne), là où les citadins viennent se détendre. Bref, c'est un port et une station balnéaire. Si El Mayo vient bien d'un hameau situé sur la route entre les deux villes, celui-ci se situe néanmoins dans la Sierra et le Sinaloa rural, à l'instar de ceux qui ont vu naître El Chapo Guzman et les autres barons du Cartel (pour nuancer, c'est vrai que le port de Mazatlan a toujours été dans la zone d'influence d'El Mayo Zambada). M'enfin bon, à priori, pas de quoi le faire passer pour un pêcheur planqué sur son crevettier ! Je sais bien que la crevette est avec la tomate la seule spécialité culinaire du Sinaloa, mais quand même ! La représentation du parrain Zambada a donc de quoi surprendre sur ce point en particulier. En fait, même si ce passage de sa biographie a été imaginé par les scénaristes, l'avoir dépeint comme un pêcheur proche de la mer n'aurait pas été gênant en soi... Si son foutu bateau n'avait pas été mis au cœur de l'intrigue, carrément, pendant l'un des soi-disant temps forts de la troisième saison : "la guerre" d'El Mayo contre les Arellano Felix. Et là, ça commence à faire beaucoup ! Non parce que Zambada qui se la joue Le vieil homme et la mer, ça va bien 2 secondes... Pour rappel, les affrontements entre le Cartel de Tijuana des Arellano Felix et celui de Sinaloa dirigé par El Mayo Zambada a duré plus de 10 ans et provoqué des milliers de morts au Mexique et même aux Etats-Unis. Pourtant, dans Narcos : Mexico, le paroxysme de cette guerre meurtrière est atteinte lorsque les infâmes Arellano... osent brûler le crevettier d'El Mayo à Mazatlan. "C'est con, il aurait pu me durer encore quelques années", dira le capo en inspectant l'épave, l'air sérieusement attristé. Vous êtes sérieux, c'est tout ce que vous avez trouvé, là ?! C'est ça pour vous la guerre entre le Cartel de Tijuana et celui de Sinaloa ? C'est tout ce que ça vous inspire ? Et bordel, on va a dit qu'El Mayo Zambada n'a jamais passé sa vie à pêcher la crevette ! Arrêtez, un peu, merde ! Les milliers de morts que la rivalité entre ces deux bandes de trafiquants a provoqué sont simplement résumés dans Narcos : Mexico au vieux bateau à crevettes de Zambada auquel on a foutu le feu (cette phrase est surréaliste). Ah et non, quand même, oh : les Arellano Felix lui butent tout de même un de ses hommes dans l'épisode suivant, qu'ils pendent à un pont, même ! Eh, faudrait pas l'oublier, ce subordonné anonyme de Zambada, car il s'agit de l'une des seules victimes de cette guerre dans la série. Mais c'est tout ! Un bateau cramé et un homme pendu à un pont, c'est à cela que se résumera cette guerre pour Zambada (la fusillade au Christine et celle à l'aéroport de Guadalajara, qui ont opposées les Arellano à El Chapo Guzman dans la réalité, sont quand même mises en scène heureusement !). Pourtant, croyez-moi lorsque je vous dis que les faits sont allés bien au-delà de ça, dans la réalité ; et lorsqu'une fiction transforme les faits réels pour les ATTENUER ou en faire quelque chose de MOINS épique, moi ça me pose problème. Ca signifie que la dite fiction s'est plantée quelque part, voilà tout... Plus qu'un bateau cramé, les affrontements entre Zambada et les frères Arellano Felix ont été la première grande guerre des cartels au Mexique. Un mot, même, pour illustrer cela : narcoterrorisme. Pour une fois, le terme n'est pas galvaudé, les Arellano Felix s'étant bel et bien rendus coupables de TERRORISME lors de cette guerre. C'est la première fois que des voitures piégées ont été utilisées par le crime organisé dans le pays. 29 mai 1992 : deux voitures, une Shadow 1992 et une Spirit, explosent simultanément à Culiacan. Bilan : 7 blessés. L'année précédente, en 1991, le fils aîné d'El Mayo, Vicente, avait été visé par un attentat des Arellano Felix ; mitraillé alors qu'il se trouvait au volant, le jeune homme ne s'en était tiré que grâce au blindage renforcé de sa voiture. Suite à l'attaque, El Mayo décrochera son téléphone pour demander personnellement des explications à Ramon Arellano Felix (celui-ci niera avoir voulu tuer le fils d'El Mayo). Mais après cette attaque manquée, à partir de 1993, des jeunes du lycée où étudiait Vicente Zambada (ses amis ou même de simples camarades de classe) ont commencé a être enlevés et assassinés par le Cartel Arellano Felix. Son demi-frère Serafin a lui aussi dû grandir en étant menacé par les Arellano Felix : en 1992, alors que le plus jeune fils d'El Mayo fêtait ses deux ans, une autre bombe a explosée devant la maison où se tenait la fête d'anniversaire. Mais c'est surtout en 1999, lorsque Serafin avait 9 ans, que s'est produit l'un des points d'orgue de cette guerre : réunie dans un hôtel de Mazatlan pour une réunion familiale, toute la famille maternelle de Serafin Zambada : ses grands-parents, ses oncles et ses tantes, ont été exécutés par un commando de la mort envoyé par les Arellano Felix. La véritable cible, encore une fois, était Serafin lui-même et sa mère, Leticia Ortiz, l'une des épouses d'El Mayo Zambada. Heureusement, les deux proches d'El Mayo avaient quitté la fête deux heures avant le drame.

-Mais ce n'est pas le pire...

-Qu'est-ce qui pourrait être pire ?

-Benjamin Arellano Felix, le chef du Cartel Arellano Felix, était aussi et est toujours le parrain de Serafin Zambada et de sa soeur...

Si vous avez la réf', vous êtes forts ; ceci dit c'est un détail véridique... Benjamin a baptisé le petit garçon qu'il cherchera ensuite à faire assassiner, à peine un ou deux ans plus tard. Mais rien de tout ça n'est montré dans Narcos : Mexico, malheureusement. "Snif, snif... bon, c'est sûr qu'un bateau comme Lolita j'en trouverais pas deux, quoi..." Je vous ai dit que Zambada perdait son bateau dans la série ? Finalement, le paroxysme de ces affrontements fût atteint le 11 juin 1994 : la fille d'un homme d'affaires pas très net du Sinaloa, Luis Enrique Fernandez Uriarte, fêtait ce jour-là sa quinceñera. Toujours un moment de fête en Amérique latine, et l'évènement se doit d'être fêté en grande pompe par la famille. Pour l'occasion, celle-ci loue le salon Camichin dans le luxueux hôtel Camino Real, à Guadalajara. L'homme d'affaires originaire de Sinaloa invite près de 300 personnes à cet anniversaire, dont un certain... Ismael Zambada. Seulement voilà, avec autant de beau monde originaire du Sinaloa, le mot parvient aux oreilles des frères Arellano Felix. Ceux-ci décident de profiter qu'El Mayo se trouve à Guadalajara pour le faire assassiner. Comment ? Eh bien, à nouveau, ils posent une bombe, les salauds. Seulement, ce que les Arellano ne savaient pas c'est que, par mesure de précaution, Zambada avait choisi de ne pas assister à la fête. La bombe explose néanmoins, tuant cinq personnes plus les deux poseurs de bombe, et blessant encore 10 autres personnes. Des morceaux de corps, des bras, des jambes, ont même été retrouvés dans un rayon de 300 mètres autour de l'hôtel ! La bombe était normalement censée parvenir aux invités dans un paquet cadeau mais a explosée à l'extérieur de l'hôtel, dans la voiture occupée par les malfaiteurs. Un terrible fait divers qui aura marqué la ville de Guadalajara, la deuxième plus grande du pays. Mais apparemment pas la troisième saison de Narcos : Mexico, qui passe totalement ces évènements sous silence. Enfin les scénaristes ont apparemment mieux à nous montrer, puisqu'ils choisissent de mettre en scène le triste sabordage d'un crevettier en fin de vie, qui n'a d'ailleurs jamais existé. Repose en paix, pauvre bateau d'El Mayo ! Bon, je sais bien que c'était dur de ne pas dépeindre Zambada comme le pire des salauds alors qu'on choisit de ne le faire apparaître que lors de la "guerre" avec les Arellano (chose que la série parvient tout de même à faire) ; qui plus est il existe de nombreuses zones d'ombre dans la biographie du capo et il fallait bien composer avec pour imaginer un scénario autour de ce personnage. M'enfin quand même ! Ca ne fait pas du personnage d'El Mayo Zambada de Narcos : Mexico un portrait très fidèle du narcotrafiquant qui l'a (très vaguement) inspiré, malheureusement... En fait, que ce soit le look du personnage (sa peau plus claire qu'elle ne devrait, le petit bouc de mousquetaire qu'il arbore), le fait qu'il triture toujours son chapeau ou encore son attitude joyeuse et son air de gentleman, tous ces éléments semblent avoir été imaginés par les créateurs de la série à partir de l'une des seules photographies que nous disposons d'El Mayo de l'époque. En regardant la série, ça m'a parut criant, personnellement, qu'ils cherchaient à se calquer sur cette photographie, l'une des rares que nous avons du capo, où on le voit danser en compagnie de la trafiquante Sandra Avila Beltran. Du moins c'est ce que ça m'a évoqué, et ça pourrait expliquer que Netflix ait opté pour embaucher un cubain (probablement au moins aussi espagnol que l'ami Fidel Castro) aux faux-airs de dandy pour incarner le chef du Cartel de Sinaloa Ismael El Mayo Zambada.

 

 

3⭐ Bon mais...

 

 

La photo qui aurait inspiré les créateurs de Narcos : Mexico pour le personnage d'El Mayo Zambada :

Reine de la drogue / Parrain de la mafia
La trafiquante Sandra Avila Beltran (à gauche) et le parrain Ismael El Mayo Zambada (à droite)

 

 

Envie d'en savoir plus sur Narcos : Mexico ?

 

En plus de notre critique ultra-complète de la série personnage par personnage et saison par saison, vous pouvez d'ores et déjà retrouver un second extrait consacré aux personnages qui composaient le Cartel de Juarez dans la réalité, juste ici :

https://narcoculture-france.over-blog.com/2024/01/analyse-narcos-mexico-speciale-cartel-de-juarez.html

 

 

Narcos : Mexico

 

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